Entête - École secondaire Services Éducatifs

Surveillance par l’utilisation de caméras dans des lieux publics

La vidéosurveillance n’est pas un sujet simple à traiter. L’utilisation de caméras dans les lieux publics est assujettie à un cadre législatif issu de plusieurs lois provinciales et fédérales dont, entre autres :

  • la Loi sur le secteur privé;
  • la Loi sur le secteur public;
  • le Code civil du Québec;
  • la Charte des droits et libertés de la personne du Québec;
  • la Charte canadienne des droits et libertés;
  • le Code criminel.
vidéo surveillance

La Commission d’accès à l’information du Québec (CAI) (2003)[1] a produit et adopté des règles minimales d’utilisation des caméras de surveillance qui visent principalement à protéger une intrusion dans la vie privée des personnes. Elle émet l’hypothèse que l’utilisation des systèmes d’acquisition d’images dans des endroits publics peut entraîner, si elle n’est pas justifiée ou préalablement autorisée, une atteinte aux droits et libertés des individus. 

Nous n’aborderons pas ce volet sous l’angle législatif mais plutôt sous celui de la réflexion et du questionnement qu’un établissement scolaire peut faire lorsqu’il désire utiliser cette technologie.

Au Québec, plusieurs commissions scolaires ont installé des caméras dans leurs écoles. Les raisons évoquées pour l’utilisation de la vidéosurveillance sont souvent liées au bien‑être et à la sécurité des élèves, du personnel et des visiteurs, à la protection des biens de l’école et à la sécurisation des lieux. Plusieurs d’entre elles respectent les règles d’utilisation pour protéger la vie privée des élèves, d’autres ne prennent pas de mesures nécessaires en ce sens (envoyer une lettre aux parents et aux élèves, cacher les visages des autres élèves lors du visionnement, etc.).

Selon Flaherty (1998)[2], il n’existe aucune étude sérieuse prouvant que le crime décroît lorsqu’on installe des caméras. Les activités criminelles se poursuivent et se déplacent à l’extérieur du champ de vision des caméras.

De façon générale, selon les études non spécifiques au milieu scolaire, la vidéosurveillance à elle seule ne fait pas baisser la délinquance ni réduire le sentiment d’insécurité. Aussi, même si la population est davantage rassurée par la présence de policiers que par la présence de caméras dans les lieux publics, elle reste généralement favorable à l’utilisation de celles-ci[3].

 

Réflexion non exhaustive sur l’utilisation de la vidéosurveillance

 Pour soutenir les établissements scolaires dans leur démarche réflexive et structurée sur la nécessité et l’utilisation de la vidéosurveillance, nous vous proposons une liste de questions susceptibles de permettre aux milieux de se positionner sur la pertinence de la vidéosurveillance et sur les lignes directrices à prendre en compte lors d’une éventuelle utilisation dans le respect des législations existantes.

–         Faisons-nous plus confiance à la technologie qu’aux individus qui la composent lorsque nous pensons à l’établissement d’un environnement sécuritaire?

–         Y a-t-il eu des discussions avec le personnel, les élèves, les parents, les partenaires avant de décider d’installer des caméras de surveillance?

–         Est-ce que l’installation de matériel de vidéosurveillance est justifiée par l’étude des risques ou des dangers encourus ainsi que par l’analyse des manifestations véritables et précises de la violence dans certains locaux de l’établissement scolaire ou à l’extérieur?

 –         La mise en place de caméras peut-elle ou doit-elle servir à d’autres fins que réprimer les conduites de violence, comme l’interdiction de jeter des déchets, de fumer, de faire des graffitis ou de commettre des infractions de nature administrative (absence du personnel à son poste de surveillance, etc.)?

 –         Qu’est-ce qui justifie l’utilisation de caméras pour la collecte de renseignements?

 –         En quoi cette collecte de renseignements est-elle nécessaire?

 –         Que ferons-nous du matériel de vidéosurveillance une fois le problème résolu?

 –         Avons-nous envisagé le recours à d’autres mesures de dissuasion ou de dépistage pour maintenir un environnement sécuritaire avant de prendre en considération l’utilisation d’un système de vidéosurveillance?

 –         Est-ce que le recours au matériel de vidéosurveillance est considéré parce que les méthodes conventionnelles pour maintenir un environnement sécuritaire ne sont pas suffisantes?

 –         Une vérification du cadre législatif a-t-elle été faite avant de décider d’utiliser ce moyen de surveillance?

 –         Etc.

Réflexion sur l’utilisation, la divulgation, la conservation, la sécurisation et la destruction des images enregistrées par les caméras de la vidéosurveillance

–         Est-ce que le système de vidéosurveillance est conçu et utilisé de façon à réduire au minimum l’atteinte à la vie privée nécessaire pour réaliser les objectifs légaux fixés?

–         Est-ce que le public, les élèves et les membres du personnel ont été informés de l’utilisation d’un système de vidéosurveillance?

–         Est-ce que des affiches, en guise d’avertissement, ont été apposées dans tous les emplacements qui utilisent des systèmes de vidéosurveillance?

–         Est-ce qu’au début de chaque année scolaire, la direction informe les élèves, les parents et les membres du personnel que l’école peut enregistrer leur comportement dans l’enceinte de l’école ou sur le terrain?

–         Est-ce que le matériel installé permet strictement la surveillance des endroits où celle-ci a été considérée comme nécessaire?

–         Les angles de vue des caméras assurent-ils une confidentialité, une intimité et une protection de la vie privée raisonnable des élèves, du personnel et du public? (La vidéosurveillance est à proscrire dans les endroits suivants : les salles de bain, les vestiaires, les salles de réunion et les salles de conférence privées).

–         Existe-il des lignes directrices, des protocoles ou des politiques qui encadrent de façon sécuritaire l’utilisation, la divulgation, la conservation, la sécurisation et la destruction des images enregistrées par les caméras de vidéosurveillance?

–         Qui a la responsabilité de gérer de façon sécuritaire l’utilisation, la divulgation, la conservation, la sécurisation et la destruction des images enregistrées par les caméras de vidéosurveillance?

–         Qui peut visionner les images recueillies en temps réel ou en différé par les caméras de vidéosurveillance?

–         Les personnes qui ont été enregistrées par des systèmes de vidéosurveillance ont-elles le droit de demander l’accès à leurs enregistrements personnels, par exemple en vertu de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée.

–         Les moniteurs vidéos pour la surveillance sont-il situés dans un endroit à accès contrôlé afin d’interdire l’observation non autorisée par les élèves, le personnel et le public?

–         L’accès aux dispositifs de stockage des images enregistrées est-il sécuritaire et strictement contrôlé?

–         Qui a accès au matériel enregistré ou à l’utilisation de celui-ci?

–         Existe-t-il un registre qui permet de noter tous les accès au matériel enregistré ou au visionnement des images enregistrées, afin de fournir une piste de vérification adéquate?

–         Existe-t-il un registre qui permet de noter les dates où des renseignements enregistrés ont été transmis (par exemple aux personnes qui ont été enregistrées par des systèmes de surveillance et qui en on fait la demande aux services de police qui avaient un mandat valide), afin de fournir une piste de vérification adéquate?

–         Combien de temps les images enregistrées devront-elles être conservées?

–         Existe-t-il un registre qui permet de noter les dates de destruction des renseignements enregistrés, afin de fournir une piste de vérification adéquate?

–         Les membres du personnel responsables du fonctionnement du matériel de vidéosurveillance ont-ils reçu une formation adéquate concernant, par exemple, les règles visant à protéger la vie privée, les utilisations autorisées et les mesures de protection contre la divulgation ou la conservation par inadvertance? Si oui, à quelle fréquence?

Surveillance par l’utilisation de caméras dans les autobus

Au Québec, plusieurs commissions scolaires et transporteurs ont estimé que l’utilisation de caméras dans les autobus scolaires réduirait le nombre de délits commis par les élèves. Il va sans dire que le cadre législatif et les réflexions suscitées précédemment quant à l’utilisation, la divulgation, la conservation, la sécurisation et la destruction des images enregistrées par les caméras de vidéosurveillance prévalent également dans les autobus scolaires. Cependant, selon Lamarre et Larouche (2011), « deux situations de fait légèrement différentes peuvent exister qui auront un impact sur le type de relation juridique en présence. Dans le cas où le transporteur installe lui-même les caméras, il s’agira d’une relation entre particuliers, soit une compagnie de transport et des élèves. Par contre, si les caméras sont installées par la commission scolaire, nous serons plutôt en présence d’une relation entre l’État et des élèves. Les restrictions quant à l’installation des caméras seront semblables, mais leur base juridique différera[4]. »

Selon ces auteurs, les règles d’utilisation suivantes encadrent l’utilisation de caméras de même que l’endroit où la commission scolaire les installe[5] :

  • Ces caméras devront être utilisées uniquement dans un contexte où la commission scolaire souhaite atteindre un objectif sérieux et circonscrit.
  • Les incidents devront être récurrents ou importants et avoir été notés à l’intérieur d’un autobus précis.
  • Il doit exister un lien rationnel entre l’objectif recherché (ex. : entre l’installation de la caméra et la fin de la violence).
  • Il doit être établi qu’il n’existe aucune autre solution qui pourrait aider à parvenir au même objectif mais sans atteinte aux droits fondamentaux.
  • Ces caméras ne devront autant que possible être installées que pendant des périodes limitées dans le temps et non de manière permanente. Elles devront être débranchées rapidement si l’ambiance se calme.
  • La vidéosurveillance devra être explicite et connue de tous.
  • Les enregistrements devront être manipulés uniquement par une personne formée qui assurera que leur contenu ne sera pas utilisé à d’autres fins que celles annoncées.
  • Les enregistrements devront être détruits dans un délai suffisamment court mais devront rester accessibles en tout temps avant la destruction pour la consultation par les personnes filmées. 

Selon Lamarre et Larouche (2011), « dans le cas où le transporteur installe lui-même les caméras de surveillance, les Règles d’utilisation de la vidéosurveillance avec enregistrement dans les lieux publics par les organismes publics ne trouvent pas directement application puisqu’il ne s’agit pas d’une relation entre particulier et État, mais bien entre deux particuliers. […] Pour s’assurer de la légalité de l’installation des caméras, il serait opportun pour le transporteur de s’inspirer des Règles d’utilisation de la vidéosurveillance avec enregistrement dans les lieux publics par les organismes publics précédemment énoncées, et ce, même si elles n’ont pas d’application en l’espèce. Ainsi, celles-ci s’avéreront être un guide tout à fait adéquat pour juger de l’opportunité légale d’installer des caméras. »

« Cependant, une zone grise existe et certaines questions nécessiteront des réponses.

  • Qu’en est-il lorsque le transporteur scolaire installe des caméras de surveillance dans son autobus, mais à la demande expresse de la commission scolaire?
  • À qui revient alors la responsabilité de l’atteinte au droit fondamental à la vie privée dans une telle situation?
  • Qui aura la tâche de visionner les enregistrements?
  • Qui paiera pour l’achat du système de surveillance?
  • Quels intérêts seront protégés par les caméras, la sécurité matérielle de l’autobus ou les mesures disciplinaires imposées par l’école?

Toutefois, dans le contexte où la caméra est installée par le transporteur, à la demande de la commission scolaire, la responsabilité de chacun pourrait être engagée.

Un encadrement strict de l’ensemble du processus d’installation et d’opération des caméras de surveillance au sein d’un autobus scolaire s’avère dès lors nécessaire et devra être mis en place par toute commission scolaire ou tout transporteur qui souhaite opérer dans la légalité, à l’abri des poursuites. »


[1] LAPORTE, Michel. L‘utilisation de caméras de surveillance par des organismes publics dans les lieux publics, document de présentation, consultation publique, Commission d’accès à l’information du Québec, 2003, p.4. [http://www.cai.gouv.qc.ca/05_communiques_et_discours/01_pdf/cons_cam.pdf]

[2] Office of the Information AND Privacy Commissioner for British Columbia. Investigation Report P98-012, 31 mars 1998.

[3] Roché, Sébastien. « La vidéosurveillance réduit-elle la délinquance »,dans Pour la science, no 394, août 2010.

[4] LAMARRE, Stéphane, LAROUCHE, Pierre-Luc, avocats, «Big Brother is watching you»…dans vos autobus, Revue de l’ATEQ – Hiver 2011 p. 20 à 23. [http://www.ateq.qc.ca/images/stories/pdf/publications/ateq_v25_n4.pdf ]

[5] Les règles sont définies par la Commission de l’accès à l’information, (2004), Les règles d’utilisation de la vidéosurveillance avec enregistrement dans les lieux publics par les organismes publics , p.9.  En ligne [http://www.cai.gouv.qc.ca/06_documentation/01_pdf/nouvelles_regles_2004.pdf]

   
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